La crise du Covid 19 a entrainé un vent de critiques de la part d’architectes et d’observateurs de l’architecture sur la production contemporaine de l’habitat collectif. La marchandisation de l’habitat qui conditionne une recherche de rentabilité économique (Van Gerrewey and Guidicelli, 2019) entraine un appauvrissement des espaces habités. Les différents rapports (Girometti and Leclercq, 2021) et études (Sabbah et al., 2021) mettent ainsi en lumière une perte de « qualité dans le logement collectif » qui semble corrélée à la sobriété foncière.
Ce travail de thèse s’intègre dans la réflexion amorcée par l’équipe de recherche GERPHAU / ICF la Sablière lors de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Engagés pour la qualité du logement de demain » (EQLD). L’approche engagée s’appuie sur une pensée associant l’usage habitant comme vecteur principal de la qualité de l’habitat (Pinson, 1993).
La pandémie a aussi permis de mettre en lumière le potentiel des espaces intermédiaires comme extension des fonctions de l’habitat, ou comme support de nouveaux usages. Cet entre-deux apparait ainsi comme l’outil de résistance permettant de réguler l’équilibre entre sobriété foncière et qualité d’usages de l’habitat (Arzoumanian et al., 2024). La pluralité des noms qui lui sont attribués (entre-deux, espaces interstitiels, espaces de transition, espaces tampons, ou encore seuils, limites, sas…) montre la difficulté à appréhender ce dispositif spatial pourtant essentiel à la qualité des espaces qu’il met en relation.
On pourrait donc se demander, en réponse à la sobriété foncière de l’habitat collectif, comment les architectes spatialisent-ils la notion d’espace intermédiaire en tant qu’interface régulatrice de la qualité d’usages ? Que conditionnent ces entre-deux sur la fabrication typo-morphologique et programmatique de l’habitat collectif ?
Dans ce travail, le regard est porté sur les espaces intermédiaires qui dépassent leur fonction archétypale. Il est question d’interroger et d’analyser ces interfaces à plusieurs échelles de projet mettant en relation des espaces de nature, statut ou fonction différentes et de comprendre les stratégies de conception développées par les architectes. Cette réflexion basée autour du triptyque lefebvrien espace perçu, espace conçu, espace vécu (Lefebvre, 2000), cherche à mettre en évidence les dispositifs permettant aux espaces intermédiaires d’être les supports d’une régulation de la qualité d’usages face à des circonstances d’optimisation foncière de l’habitat collectif (Moley, 2003).
Il s’agit également de mettre en évidence les conditions d’existence programmatique et les conséquences typo-morphologiques des stratégies spatiales employées que ce soit dans la fabrication à l’échelle de la ville, de l’édifice ou de la cellule domestique.