Sur près de dix ans (1987-1997), le philosophe français Jacques Derrida a été invité à plusieurs reprises sur les lieux de l’architecture. Sollicité pour des colloques, des conférences, des publications, et au fil des rencontres et discussions avec les architectes, son propre positionnement s’est affirmé, transformant l’insécurité préalable de son incompétence pour/sur architecture en condition nécessaire de leur rencontre. Mais surtout, ce qui s’est sensiblement déplacé, c’est ce que le philosophe tenait à leur dire à ces architectes qui ont invité la déconstruction dans leurs discours et pratiques. Après plusieurs années à travailler et discuter à leurs côtés, Derrida déplace les enjeux conceptuels et/ou formels vers d’autres questionnements. Il ré-oriente leurs explorations esthétiques et/ou théoriques de la déconstruction en architecture vers une autre considération qu’il présente désormais comme aussi urgente que nécessaire : le ré-engagement de leur responsabilité politique. Cet article propose une remise en récit multi-topique (Los Angeles 1991 ; Yufuin 1992 ; New York 1988 ; Madrid 1997) qui entremêle les fils de l’histoire et des discours pour donner à voir et à penser sous un nouveau jour comment s’est noué la question du politique dans la rencontre de Derrida avec l’architecture. Il s’agit d’interroger comment, entre architecture et déconstruction, les amours s’épuisent quand elles font naitre la question du politique. Suivre dans les discours cet appel à la repolitisation veut mettre en avant que la déconstruction ne pouvait se contenter d’être une philosophie appliquée à l’architecture, et encore moins une application/interprétation plastique et formelle.