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Chercheuse

Céline Bodart

Docteure en architecture / Maître de conférence
Céline Bodart est architecte, diplômée de l'Université de Liège en 2010 ; diplômée du DPEA, spécialisation en “Architecture et Philosophie” (ENSA Paris La Villette) et du Programme d’Expérimentations en Arts et Politiques (Sciences Po Paris) ; docteure en architecture depuis décembre 2018, thèse présentée en co-tutelle entre Université de Paris 8 et ULiège. Actuellement, elle travaille comme maitre de conférence à l'ENSA Paris La Villette et à la Faculté d'Architecture de l'Université de Liège. Elle est également membre de la commission technique d'Europan Europe depuis 2016.

Présentation

Ses recherches doctorales portaient sur les conditions de rencontres possibles entre pratiques architecturales et philosophiques, à partir d’une étude renouvelée d’un épisode singulier de l’histoire récente de l’architecture : la rencontre entre la déconstruction derridienne et la culture architecturale anglo-américaine de la seconde moitié du 20e siècle. En recomposant comment se raconte cette rencontre depuis différentes situations d’énonciation, il s’agissait non seulement de mettre en avant comment des réceptions et appropriations culturelles variées conditionnent des poursuites théoriques spécifiques, mais également d’investir l’écart entre ces différentes versions d’une même histoire par la mise en traduction de certaines traces écrites ayant participé à sa mise en récit (Wigley 1993; Kipnis 1997). Ces recherches se sont poursuivies à travers la question de la pluralité des genres d’écriture en architecture, privilégiant l’expérimentation de nouvelles formes de traduction par et pour la ré-invention de ses pratiques théoriques.

Actuellement, ses recherches s’orientent davantage vers le champ des humanités écologiques et leurs interactions possibles avec l’architecture. Elle y inscrit un projet de recherche autour de la question du rire, du sens de l’humour et des effets de notre rapport au sérieux. Il s’agit de poursuivre l’hypothèse selon laquelle le rire et le sens de l’humour peuvent transformer nos manières de rencontrer “les mondes réels” (Haraway, 1988). En investissant les terrains de la recherche, de l’enseignement et de la pratique professionnelle de l’architecture, l’enjeu est d’explorer comment l’humour et le rire peuvent amener l’architecture à re-voir et re-penser ses relations aux autres et aux objets du monde construit.

Travaux

Every morning brings us news from across the globe, yet we are poor in noteworthy stories.

– Walter Benjamin, ‘The Storyteller’ (1936)

How might architectural theory move closer to architectural practice without losing its critical autonomy? How might it be more responsive to the changing needs of society? A possible answer may be found in the architectural discourse of the British architect, Cedric Price (1934- 2003) and his concern for the social efficacy of theory. Although Price is most often remembered in terms of his architectural designs, he was also a highly respected architectural journalist, critic, writer, lecturer, scholar, educator and polemicist. Price actively engaged architectural theory not only in what he wrote or said, but also in the proximity that he developed toward his readers and his audience. Through his dialogic sensibility and his emphasis on participation and process, Price’s ‘public’ became an integral actor in the production of theory —a ‘co-author’ so to speak. The link between theory and social action was also a critical issue for Walter Benjamin for whom modernity could be understood as a crisis of human experience and communication. In his essay, ‘The Storyteller’, Benjamin contrasts the collective assimilation of experience and memory through storytelling to the privatised subject of bourgeois literacy and the ‘empty’ temporality of modern news. Here Benjamin explores two fundamentally different notions of experience: integrated social ‘lived’ experience (Erfahrung) and immediate private ‘living’ experience (Erlebnis). The atrophy of modern experience could be characterized as a radical shift towards the latter accelerated by the trauma of warfare and the rise of the information industry. Set against the increasing ‘distance’ that mass media had opened up in the language of experience, Benjamin proposed the concept of nearness as a possible strategy to recover the communal intimacy that he perceived in the anecdotal forms of oral culture. Following Benjamin’s concept of nearness, this paper examines how Price’s architectural discourse —and his production as a journalist in particular— may define a modern form of storytelling practice, one that attempts to represent experience with the immediacy of news discourse, thus reopening some of the fundamental dichotomies underlying Benjamin’s theory of experience. Indeed reporters ‘make’ stories and the ‘making’ of stories involves play and critical imagination. This paper argues that Price’s early involvement in journalism (television, radio, magazines) was crucial not only to his engagement with language but to the development of his dialogic approach to architecture in general. In so doing, this paper aims to offer a possible response to the contemporary challenge of how architectural theory might enter into a more effective dialogue with design practice and society at large in order to reclaim its critical role in the advancement of architectural culture.

Sur près de dix ans (1987-1997), le philosophe français Jacques Derrida a été invité à plusieurs reprises sur les lieux de l’architecture. Sollicité pour des colloques, des conférences, des publications, et au fil des rencontres et discussions avec les architectes, son propre positionnement s’est affirmé, transformant l’insécurité préalable de son incompétence pour/sur architecture en condition nécessaire de leur rencontre. Mais surtout, ce qui s’est sensiblement déplacé, c’est ce que le philosophe tenait à leur dire à ces architectes qui ont invité la déconstruction dans leurs discours et pratiques. Après plusieurs années à travailler et discuter à leurs côtés, Derrida déplace les enjeux conceptuels et/ou formels vers d’autres questionnements. Il ré-oriente leurs explorations esthétiques et/ou théoriques de la déconstruction en architecture vers une autre considération qu’il présente désormais comme aussi urgente que nécessaire : le ré-engagement de leur responsabilité politique. Cet article propose une remise en récit multi-topique (Los Angeles 1991 ; Yufuin 1992 ; New York 1988 ; Madrid 1997) qui entremêle les fils de l’histoire et des discours pour donner à voir et à penser sous un nouveau jour comment s’est noué la question du politique dans la rencontre de Derrida avec l’architecture. Il s’agit d’interroger comment, entre architecture et déconstruction, les amours s’épuisent quand elles font naitre la question du politique. Suivre dans les discours cet appel à la repolitisation veut mettre en avant que la déconstruction ne pouvait se contenter d’être une philosophie appliquée à l’architecture, et encore moins une application/interprétation plastique et formelle.

Depuis 30 ans, trois évolutions importantes ont participé à la transformation du monde, modifiant la réalité sociale, les modes de vie des populations et les formes urbaines. L’intensification de la mondialisation sous la domination du néolibéralisme, la naissance puis la diffusion dans tous les lieux et au contact de chacun de technologies numériques et d’outils informatiques, enfin la reconnaissance des responsabilités humaines sur les dérèglements environnementaux, et l’émergence de la notion d’Anthropocène.

Ces trois évènements ont évidemment influencé les pensées et pratiques de l’architecture, mais aussi son rôle dans les sociétés et plus largement ce que l’on attend d’elle.

S’il convient de prendre la mesure de cette dégradation de l’habitabilité humaine de la planète, sans doute est-ce pour initier des projets qui se fondent sur des modes de pensée et d’action bien différents que ceux qui ont produit cette détérioration, car les dynamiques de destruction et de co-génération des milieux ne sont simplement pas réversibles : elles ne sont pas de même nature.

D’où la nécessité d’enquêter sur les spécificités d’une architecture adaptée aux temps menaçants de l’Anthropocène.

L’oubli de l’air de Luce Irigaray fait apparaître l’air, milieu total, étendue infinie, air traversé et traversant. De ce lieu, milieu, étendue, nous faisons l’expérience en tant qu’humains. Dans ce milieu, nous habitons. Ainsi, Luce Irigaray dévoile l’air. Si elle n’entre pas directement dans le champ de la pratique architecturale, nous percevons à travers son ouvrage, des images spatiales qui ouvrent à des considérations manipulables en architecture. Nous faisons l’hypothèse qu’à travers sa lecture, l’air pourrait incarner un lieu de relations littérales comme disciplinaires, entre pensées philosophiques, esthétiques, politiques, tissées autour de l’architecture.

Depuis que Walter Benjamin mentionnait dans son article “Expérience et pauvreté”, la possibilité d’une pauvreté en expérience, ce terme n’a cessé de gagner en popularité. Il est aujourd’hui omniprésent. On ne vend plus des voitures, mais une expérience de conduite, on ne présente plus les attraits touristiques ou patrimoniaux d’une ville mais on propose des expériences culturelles et conviviales, on n’invite plus à venir faire ses courses dans tel ou tel magasin mais à partager une expérience shopping et même les visites au musée se doivent désormais d’être des expériences d’immersions interactives au contact des œuvres.
Conscient de cet état de fait, nous essaierons de tracer quelques chemins de traverse à partir de l’architecture. Il s’agit donc de dépasser l’agressivité et la nocivité des tels dispositifs et de conforter l’apport de l’architecture et son souci de relations épanouissantes au monde bâti, alors qu’une puissance de construction sans antécédent historique modèle de manière de plus en plus intensive nos univers quotidiens.

À Paris, un premier rendez-vous célébrait en 1985 la rencontre de l’architecture et de la philosophie. Architectes et philosophes étaient invités à discuter ensemble de la question suivante : comment la philosophie peut-elle saisir l’architecture au plus près de ce qui la détermine ?Qu’en est-il encore aujourd’hui quand il s’agit de trans-, re-, co-, alter-architectures ou de bio-, géo-, éco-sophies ? Comment ces enchaînements de préfixes questionnent-ils le sens de ces pratiques ? Quels sont les événements qui ont orienté, ré-orienté, parfois dés-orienté leurs récits, discours et fondements ? Qu’est-ce qui encore et toujours résiste et se transforme ?Il s’agit dans cet ouvrage qui rassemble diverses approches de mettre en débat ce qui participe à la tenue et à l’ouverture d’un monde.

242 pages
ISBN: 978-2-7056-9188-2

Bien sûr, l’expérience n’est pas une ligne droite ; elle est toujours et déjà constituée de tournants, de tourments et de retournements. Mais d’où vient cette intuition que ce tournant, aujourd’hui et maintenant, mérite de s’y arrêter pour le penser ?

 

Au croisement de l’architecture et de la philosophie, nous avons invité des auteurs à rendre compte de la diversité des trajectoires de pensée et des actions, multipliant ainsi les prises et reprises pour interroger ce qui se construit et partager ce qui nous arrive.

276 pages
ISBN: 9782705695705